Réduction TEPA-ISF : l’obligation de conservation des titres peut-elle porter sur une « coquille vide » ?
Réduction TEPA-ISF : l’obligation de conservation des titres peut-elle porter sur une « coquille vide » ?
LA CENSURE DE LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE POUR LES VERSEMENTS ANTERIEURS AU 1ER JANVIER 2016
Une doctrine ajoutant à la loi
Afin de conforter l’analyse de l’administration fiscale, dont la doctrine précisait que « cette condition (NDLR : tenant à l’exercice à titre exclusif d’une activité éligible) doit être satisfaite au 1er janvier de chaque année, jusqu'à la cinquième année suivant la souscription », la Cour d’Appel s’est notamment fondée sur les travaux parlementaires relatifs à la loi TEPA.
Pour sa part, la Cour de cassation a balayé ce raisonnement en jugeant que « la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé (l’article 885-0 V bis du CGI) ».
Une doctrine à écarter selon les cas
Si la doctrine en cause n’est plus en vigueur (BOI 7S-3-08), le BOI-PAT-ISF-40-30- 10-20-20150410, actuellement applicable, reprend à son paragraphe 180, mot pour mot, les dispositions ainsi jugées illégales par la Cour de cassation.
Or, heureux hasard du calendrier, cette obligation d’exercice d’une activité éligible pendant 5 ans a été ajoutée au 2. du II. de l’article 885-0 V bis du CGI à l’occasion de la LFR 2015.
Ce faisant, il est à considérer que cette doctrine n’est légalement fondée que depuis cet ajout. Il en résulte donc une nécessaire distinction à opérer entre l’avant LFR 2015 et l’après LFR 2015.
LA COEXISTENCE DE DEUX REGIMES
Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus
L’arrêt commenté confirme l’absence de cohérence globale du dispositif TEPA-ISF. Ainsi, l’obligation de conservation des parts (5 ans), côtoyant celle de non-remboursement des apports (7 ans), pouvait donc jusqu’alors ne recouvrir aucune réalité économique.
La phrase ajoutée dans le texte de l’article 885-0 V bis à l’occasion de la LFR 2015 a donc vocation à y remédier, mais uniquement pour les versements postérieurs au 1er janvier 2016 en accord avec la jurisprudence commentée. Ainsi, les fonds TEPA pré-2016 ne sont pas concernés par cette condition d’activité là où les fonds post-2016 y sont tenus.
Quid de l’abus de droit ?
Bien que non invoqué en l’espèce, l’abus de droit sanctionne les applications trop astucieuses de la loi fiscale qui auraient pour conséquence de la dénaturer.
La création d’une société uniquement dans le but de bénéficier de la réduction TEPA-ISF s’analyserait ainsi en la recherche du « bénéfice d’une application littérale des textes (…) à l’encontre des objectifs poursuivis par leur auteur » (art. L64 du LPF).
Dès lors, quand bien même l’exercice d’une activité éligible pendant une durée de 5 ans ne pourrait pas être exigé, l’exercice effectif d’une telle activité est malgré tout indispensable, qu’importe sa durée, afin d’éviter toute caractérisation d’un abus de droit.
Les faits de l’arrêt
Une société a été constituée en 2008 entre un père et son fils. Le père a bénéficié de la réduction TEPA-ISF a l’occasion de versements à son capital en 2008 et 2009. Cette société a exploité un barglacier jusqu’en 2010, date de la cession de son fonds de commerce et de son bail commercial, et cessé son activité depuis, soit 2 ans après les versements litigieux.
Illustration d’une affaire où l’abus de droit n’a pas été caractérisé
Lors de son audience du 16 octobre 2014 (Aff. n° 2014-31), le Comité de l’abus de droit fiscal a eu à connaître d’une société à l’objet industriel ayant sommairement exposé des frais d’études de faisabilité et sollicité des subventions avant que son président n’ait été contraint à se faire remplacer, 3 ans après sa création, afin de relancer et concrétiser son activité. En dépit de tout déploiement effectif d’activité pendant la période considérée, ce qui lui était reproché par l’administration fiscale, le Comité a néanmoins retenu l’absence de caractère « purement artificiel » du montage et donc d’abus de droit dans le recours à la réduction TEPA-ISF.